Khaled Gaiji est porte-parole de rAP, l’association de résistance à l’Agression Publicitaire, la rolls (ou la rolex) des assos antipub. La RAP est née en 1992, à la suite d’un appel largement diffusé rassemblant une vingtaine de personnes, à l’initiative d’Yvan Gradis, un activiste se définissant comme « publiphobe », et de François Brune, auteur du Bonheur conforme, ouvrage qui critique et décrypte les messages publicitaires. Le troisième fondateur était René Macaire, philosophe non-violent, décédé en 1993. Nous sommes allés rencontrer Khaled au siège de l’association, dans le 12e arrondissement de Paris, pour goûter un peu à l’insurrection antipub.

Comment la publicité arrive-t-elle à nous toucher, à nous influencer?

Le grand principe d’influence de la publicité consiste à créer de la frustration. Il s’agit de provoquer du déséquilibre psychologique. Un rapport anglais de 2011 Think of me as evil expose les valeurs intrinsèques et extrinsèques. Les valeurs intrinsèques sont celles qui reposent sur l’émancipation, l’universalisme, la solidarité; alors que les valeurs extrinsèques mettent en avant la consommation ostentatoire, la sécurité, l’individualisme… Cette étude montre que la publicité, ce n’est que de l’extrinsèque. Elle développe les comportements de peur, tout ce qui est anxiogène. Ainsi, on fabrique des consommateurs plus que des citoyens. Il y a une création de produits médiatisés, sans se soucier des effets sur l’environnement.

Quelles sont vos revendications?

L’association Résistance à l’Agression Publicitaire a des revendications politiques comme la liberté de réception: les citoyens doivent pouvoir revendiquer le droit de non-recevoir (des messages publicitaires). Ceci explique notre basculement vers l’espace public et les espaces de transport en commun, en plus de nos actions initiales dans le domaine du cinéma. L’affichage publicitaire ne devrait pas dépasser les formats de 50 centimètres par 70 centimètres, sans électricité. Les espaces personnels devraient être préservés: boîtes aux lettres, prospections téléphoniques, téléphones portables. Ce principe de non-réception devrait aussi s’appliquer sur internet. Il s’agit d’inverser la logique. Pour les boîtes aux lettres, au lieu d’avoir un message « Stop Pub », mettre en place un message « Oui, j’accepte la publicité », pour ceux, bien sûr, qui veulent en recevoir, afin que la non-distribution de publicités, par principe, devienne la règle. Même politique pour les téléphones portables.

Concrètement, quelles sont vos méthodes d’action ?

Nous avons actuellement plus de 600 adhérents en France. Nous agissons directement sur la publicité. C’est de l’activisme : nous sommes, je le répète, pour l’action directe non-violente, légaliste. Certains collectifs s’axent plus sur de la désobéissance civile. Nous, nous sommes dans une stratégie de massification. Nous ne faisons pas de dégradation. Il s’agit d’éviter les procès et de faire des actions à visage découvert. Nous adoptons pour cela des tactiques afin d’éviter la répression. Des actions de recouvrement sont mises en œuvre et permettent de se réapproprier les dispositifs publicitaires. En les détournant, en les recouvrant de papier blanc, en mettant en place des zones d’expression libre. Par exemple à Lille, RAP organise des expositions artistiques sur les panneaux publicitaires, en général pendant les journées du patrimoine. C’est tactiquement intelligent et le public aime regarder des tableaux, des œuvres. Pour les recouvrements, nous utilisons du blanc d’Espagne. En un coup de chiffon ou d’eau, ça s’enlève. Il y a également des actions d’extinction des enseignes commerciales la nuit. Ce sont des actions nommées « Les rallumeurs d’étoiles », en référence au groupe de musique « HK et les Saltimbanques ».

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