Cette semaine, c’est vers une petite communauté religieuse, située non loin de Lyon, que je voudrais vous faire la courte échelle : le Foyer Marie-Jean. J’ai découvert cette discrète communauté catholique, qui a fait de l’écologie intégrale l’un de ses piliers principaux il y a un an, lors des Assises chrétiennes de l’écologie, à Saint-Étienne.

 

Cette année, à la Pentecôte, nous avons étés accueillis en famille par cette communauté qui pratique une hospitalité aussi simple que chaleureuse. Installé sur le versant d’une merveilleuse vallée ardéchoise, entre Saint-Bonnet-le-Froid et Saint-Julien Vocance, le foyer Marie-Jean est composé d’une trentaine de consacrés dont la jeunesse et la joie de vivre frappent immédiatement.

Entre autres particularités, il s’agit d’une communauté mixte : si les sœurs et les frères, dont plusieurs prêtres, forment deux branches distinctes, ils sont réunis au pied de la Croix, comme Marie et Jean. Dans les activités comme dans la liturgie, très vivante et très soignée, on voit que c’est une famille qui habite les lieux et se découvre chaque jour davantage fils et filles du Père.

« Voyant sa mère et près d’elle le disciple qu’il aimait, Jésus dit à sa mère : « Femme, voici ton fils ». Puis, il dit au disciple : « Voici ta mère ! » A partir de cette heure, le disciple la prit chez lui », lit-on au chapitre 19 de l’Évangile selon Saint Jean. Il s’agit donc pour les frères et sœurs du Foyer Marie-Jean de suivre le Christ en accueillant la maternité spirituelle de la Vierge Marie, d’être, comme Jésus, enfants du Père par et en Marie.

C’est pourquoi cette jeune communauté est placée sous l’autorité d’une femme, élue par l’Assemblée générale, appelée la « coopératrice de Marie ». Il s’agit actuellement de Nicole Echivard, la fondatrice du Foyer, une femme étonnante, très énergique et pleine d’humour. Les frères et sœurs l’appellent Shoushân, Suzanne en hébreu : Nicole a en effet découvert, après sa conversion, que Suzanne était son nom de baptême ! C’est à l’issue d’un parcours pour le moins original que cette agrégée de Lettres classiques a finalement répondu à l’appel de plusieurs de ses élèves qui voulaient vivre une vie communautaire fondée sur une spiritualité de la relation. Née dans une famille anticléricale, la Providence a voulu qu’elle ait deux enfants avant de fonder, avec son mari, Jean-Baptiste, le Foyer Marie-Jean.potager

C’est en tous cas dans un esprit de prière et de sobriété monastiques que les frères et sœurs prononcent, depuis une trentaine d’années, leurs vœux, c’est-à-dire les trois conseils évangéliques de chasteté, de pauvreté et d’obéissance.

C’est sur les conseils de leur voisin Pierre Rabhi, lui aussi installé en Ardèche, et en suivant les formations de Terre & Humanisme, que deux sœurs se sont lancées en agro-écologie. Potager fleuri, panneaux solaires, ruches, récupération des eaux : il s’agit moins ici d’atteindre une certaine autonomie alimentaire et énergétique que de vivre en harmonie avec la nature.

Outre toutes les belles intuitions théologiques qui font l’originalité du Foyer Marie-Jean, le souci écologique est au cœur de sa vie communautaire. Cela se manifeste notamment par un grand soin donné à la manière d’habiter l’espace : les lieux sont tout simplement magnifiques, non seulement parce que le paysage de la vallée de Vocance est en soi une occasion de rendre grâces, mais parce que les bâtiments qu’ont restaurés les frères et sœurs s’y inscrivent avec une très subtile harmonie. C’est d’ailleurs Nicole Echivard qui a dessiné elle-même les plans de la « Maison de la Source d’eau vive », dont l’agencement et l’ameublement très apaisants nous tournent vers la nature épanouie. Un oratoire vous donne l’occasion de prier devant une grande baie vitrée circulaire dont le châssis constitue une croix qui ouvre majestueusement sur le ciel en surplombant les arbres. De la nourriture – locale, bio, très peu carnée… et délicieuse ! – à la liturgie, tout est fait pour chanter les merveilles de la Création. L’un des murs de la chapelle, une ancienne grange à laquelle vous conduit un sentier enjambant un torrent, est percée de grandes fenêtres qui laissent apparaître la cime des arbres de la vallée.

Le vaste terrain de la communauté est jardiné avec mesure. Une sœur m’expliquait qu’à partir du moment où ils avaient décidé de ne plus tondre que trois ou quatre fois par an, beaucoup de fleurs étaient réapparues, au grand étonnement des voisins et à la grande joie du Foyer. C’est sur les conseils de leur voisin Pierre Rabhi, lui aussi installé en Ardèche, et en suivant les formations de Terre & Humanisme, que deux sœurs se sont lancées en agro-écologie. Potager fleuri, panneaux solaires, ruches, récupération des eaux : il s’agit moins ici d’atteindre une certaine autonomie alimentaire et énergétique que de vivre en harmonie avec la nature.

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Nicole est au bêchage du potager

 

Nicole Echivard a d’ailleurs écrit un livre passionnant sur l’écologie, notamment dans sa nécessaire dimension spirituelle, souvent oubliée au profit d’une vision purement technique des problèmes environnementaux. Publié en 2012 par les éditions Médiaspaul, Vert comme l’espérance se présente comme un prophétique « plaidoyer chrétien pour l’écologie ». Ce livre, écrit avec un remarquable sens de la formule, anticipe par bien des aspects l’encyclique Laudato Si sur « la sauvegarde de la maison commune ». Comme le pape François, Nicole Echivard fonde son engagement écologique sur une lecture très attentive des textes bibliques, confirmés par la tradition de l’Église.

Elle mêle à cette exégèse écologique des saintes Écritures les plus récentes données environnementales ainsi que de belles méditations poétiques sur la beauté et l’interdépendance des créatures. Je retiens notamment de ce livre lumineux, préfacé par Mgr Stenger et Pierre Rabhi, la subtile opposition de l’intelligence et de la négligence : faute de comprendre et de relier les différentes dimensions qui structurent notre existence, nous nous condamnons à mépriser nos dépendances et nos limites, et à nous ignorer nous-mêmes. C’est pourquoi la conversion écologique authentique doit être intégrale, c’est-à-dire intégrer à la fois les aspects environnementaux, sociaux, anthropologiques et spirituels. « Nous avons appris à toucher la terre : avec les mains pour planter ; avec les genoux pour prier. Nous l’avons embrassée, comme on retrouve sa mère », écrit Nicole Echivard dont la sensibilité poétique affleure à chaque page.

Ainsi, Vert comme l’espérance démontre que les exigences évangéliques et les exigences écologiques sont non seulement complémentaires, mais convergentes : l’amour de la nature nous mène à son Créateur comme l’amour du Créateur implique l’amour des créatures.

Si vous voulez découvrir le Foyer Marie-Jean, vous pouvez être accueillis en hospitalité simple ou pour des retraites philosophiques et spirituelles. Chaque année, la communauté organise en outre des sessions d’écologie intégrale qui permettent d’approfondir cette théologie de la Création.

Croyez-moi, vous n’oublierez pas votre passage à Saint-Julien Vocance !

Le site internet du foyer: http://www.foyermariejean.fr/ecologieetfoichretienne.html