Limite s’associe au groupe de travail Laudato Si fondé en 2016 et qui réunit une trentaine de jeunes professionnels et un prêtre du diocèse de Paris pour réfléchir à l’écologie intégrale. Tout au long du mois d’août, Limite publie le résultat de leurs réflexions ainsi que leurs propositions. Aujourd’hui, le thème intégration sociale et vivre ensemble.

« Il n’y a pas deux crises séparées : l’une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale » estime le pape François dans Laudato Si, appelant à « une approche intégrale pour combattre la pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la nature » (LS 139). Le Pape se place ainsi à la suite de Benoît XVI qui explique que « l’environnement naturel et l’environnement social ont des blessures qui toutes, au fond, sont dues au même mal, c’est-à-dire à l’idée que la liberté humaine n’a pas de limites. On oublie que l’homme ne se crée pas lui-même, mais il est aussi nature. L’Homme cherche alors à supprimer tout ce qui entrave de près ou de loin le rêve d’une humanité toute puissante ».

L’épuisement de la logique individualiste. What’s next ?

Ce rêve de toute puissance se manifeste tout d’abord dans notre corps social par une logique individualiste qui fait de nous des êtres, non pas dépendants les uns des autres et donc constituant un corps social cohérent et solidaire, mais autonomes. Notre société s’est construite depuis près de deux siècles sur la quête d’un accomplissement personnel (la reconnaissance des droits individuels, la mise en valeur de la réussite individuelle et de l’indépendance). De plus en plus émancipé du collectif, l’individu a gagné de nouvelles libertés, il en a été grandi par beaucoup d’aspects. Mais il semble que cette logique individualiste aujourd’hui nous échappe. Poussée trop loin, elle nous a fait perdre le projet collectif qui devrait l’accompagner. La croyance en une dynamique collective s’effondre, comme le montre notamment le désengagement politique des Français. L’atomisation de la société, la solitude croissante – chez les personnes âgées autant que chez les jeunes étudiants – les phénomènes d’entre-soi sur des facteurs sociaux, économiques ou religieux, dans toutes les franges de la population, sont des phénomènes établis. Ils nous interrogent : qu’avons-nous à faire ensemble ? Faut-il renoncer à une destinée collective ?

Prendre racine pour appartenir à un collectif 

L’espérance chrétienne est collective par nature, nous répond l’Église. Le salut n’est pas une affaire personnelle et ne peut se concevoir sans son prochain. Nous sommes inévitablement liés les uns aux autres. L’écologie sociale dont parle le Pape est celle d’un individu enraciné dans différents groupes d’appartenance : de la famille, en passant par la communauté locale, le travail et la nation, jusqu’à la communauté internationale. Cet enracinement « est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine » soutient la philosophe chrétienne Simone Weil dans L’Enracinement (1943). Or beaucoup de nos communautés d’appartenance sont en crise (famille, syndicats, paroisse…). D’autres apparaissent, comme le montrent le très dense tissu associatif français, les initiatives telle que la fête des voisins, ou l’engouement pour la production locale. Ces collectivités « à hauteur d’homme » doivent avoir une réelle vitalité et une prise sur le cours des choses. C’est pourquoi l’Église défend le principe de subsidiarité qui consiste à donner le plus possible la responsabilité au plus petit niveau d’autorité compétent.

Où sont les fragiles ? Et mes fragilités ? 

L’exclusion des personnes les plus faibles, qui ne contribuent pas de manière ‘efficace’ à la vie économique est un autre signe de la maladie qui ronge notre corps social. Elle trahit également ce rêve d’une humanité toute puissante, sans maillon faible. Pour guérir en profondeur l’institution malade qui ne permet pas l’intégration de tous, nous avons la responsabilité d’exercer la charité sous la forme de gestes spontanés et directs envers ces exclus. Mais également de nous engager dans le temps, dans des associations, en politique, en entreprise, pour viser le bien commun. « La politique est la forme la plus haute de la charité » disait ainsi Pie XII. Attention néanmoins, « l’horizon visé n’est pas celui d’une intégration des déshérités dans le monde « enchanté » de la bourgeoisie cosmopolite », prévient Gaël Giraud, jésuite économiste en chef à l’AFD. « Il est celui d’un renouvellement radical des structures sociales et politiques initié par le peuple », dans lesquelles le pauvre est appelé à collaborer physiquement et à penser l’action. Nous-mêmes, quel est notre rapport à la fragilité ? Suis-je persuadé que ma dignité réside aussi dans ma capacité à faire l’expérience de la vulnérabilité, de la mienne et de celle d’un proche ? À la place d’une logique d’assistanat – d’une position de ‘sauveur’ envers un pauvre dépendant de moi –, nous sommes appelés à changer d’attitude de cœur : contemplons la figure du pauvre dans la Bible et osons rencontrer les personnes fragiles pour nous réconcilier avec nos propres vulnérabilités.

 

INTÉGRATION SOCIALE ET VIVRE ENSEMBLE – ET MAINTENANT, ON FAIT QUOI ?

S’ancrer dans ses « groupes d’appartenance »

  1. Identifier et choisir mes « groupes d’appartenance » et en prendre soin (temps, qualité de relations, prière…).
  2. Soigner, en particulier, mes liens de famille, proche et élargie (prendre des nouvelles, donner du temps, être attentif…).
  3. Être capable de correction fraternelle avec ses amis.
  4. Investir ses relations de travail, y susciter des liens et des conversations intéressants.
  5. Sonner chez ses voisins, les rencontrer, les inviter à prendre l’apéro, organiser ou participer à la fête des voisins.
  6. Entrer en contact avec ses commerçants de quartier, connaître sa paroisse et les communautés présentes, être en lien avec la maison de quartier de sa ville (Lulu dans ma rue), assister au conseil de quartier ou au conseil municipal.
  7. S’investir en politique.

La solidarité de proximité 

  1. Partager ses biens : faire une liste avec ses voisins des biens partageables (ex. : Voisins solidaires) ; mettre à disposition un de ses biens à une association ou un dispositif (ex. : Solibail).
  2. Donner de son temps : visiter une personne âgée de son quartier ou de sa famille régulièrement. Ex. : Petits Frères des pauvres.
  3. Confier dans sa prière les autres, proches et lointains, ceux rencontrés dans la journée et inconnus.
  4. Apprendre à prier avec d’autres.

L’option préférentielle pour les pauvres

  1. Connaitre le nom des personnes isolées dans la rue ou dans le quartier.
  2. Intégrer des personnes marginalisées, isolées dans quelques-uns de mes vacances ou week-ends.
  3. Prendre chez soi un parent, ami malade ou dans le besoin.
  4. S’investir dans une association qui prend soin des plus fragiles.
  5. Faire partie d’une colocation solidaire. Ex. : APA, Lazare, Marthe et Marie, Simon de Cyrène…

Si vous souhaitez vous joindre au groupe de travail Laudato Si : gt.laudatosi@gmail.com

Le groupe de travail Laudato Si réunit au cours d’une vingtaine de rencontres une trentaine de jeunes professionnels catholiques et un prêtre de Paris avec l’objectif d’enclencher une conversion à l’écologie intégrale. L’année se divise en quatre thèmes : médecine & transhumanisme, agriculture & ressources, économie & finance, et lien social & vie dans la cité. Chacun des thème est abordé en suivant une méthode en quatre temps : (1) s’informer et se constituer des repères de réflexion (2) rencontrer au cours d’un week-end des personnes travaillant dans ce secteur (agriculteur, médecin…), pour certains déjà convertis à l’écologie intégrale (3) identifier les leviers spirituels à la conversion personnelle (4) prendre des « résolutions » concrètes.