Limite s’associe au groupe de travail Laudato Si fondé en 2016 et qui réunit une trentaine de jeunes professionnels et un prêtre du diocèse de Paris pour réfléchir à l’écologie intégrale. Tout au long du mois d’août, Limite publie le résultat de leurs réflexions ainsi que leurs propositions. Aujourd’hui, le thème agriculture, énergie et ressources.

« Il suffit de regarder la réalité avec sincérité pour constater qu’il y a une grande détérioration de notre maison commune » (LS 61). La crise environnementale est le premier aspect, le plus évident, de la crise écologique. C’est par là que commence le pape dans Laudato Si, en entérinant l’existence d’un excès dans l’exploitation que nous faisons de la nature : « Cette sœur [notre maison commune, ndlr] crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposé en elle. Nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à l’exploiter. […] C’est pourquoi, parmi les pauvres les plus abandonnés et maltraités, se trouve notre terre opprimée et dévastée, qui “gémit en travail d’enfantement” (Rm 8, 22) » (LS 2). L’homme est le parachèvement de la Création. Celle-ci est ordonnée à lui, il la « domine » (Gn 1). Mais il est également bien petit face à la merveille du créé. « Où étais-tu quand je fondais la terre ? » (Jb 38) demande ainsi Dieu à Job. Cet équilibre originel entre domestication et émerveillement est rompu par le péché, qui blesse notre rapport à Dieu, aux autres, mais également au créé. Sommes-nous conscients qu’il y a ici quelque chose à réparer ?

Rapide, facile, efficace… et polluant

L’homme a accédé au cours de son histoire à une quantité croissante d’énergie en exploitant de plus en plus intensément les ressources naturelles. Alors qu’au Néolithique, à l’époque de l’Égypte ancienne, il ne disposait que de très peu de surplus après avoir assuré sa survie en cultivant ou en exploitant l’énergie fluviale, notre époque, depuis le XXe siècle, avec l’exploitation des ressources fossiles et l’accès à l’électricité, met à notre disposition une grande quantité d’énergie. Remodelant nos modes de vie, déplacements, manières de consommer et de produire, pour les rendre plus rapides, efficaces, faciles, mais également particulièrement énergivores et polluants. Ainsi notre production agricole suit désormais un modèle intensif, répondant à un besoin alimentaire – la France était largement importatrice dans les années 60 –, à une exigence de rentabilité sur le marché concurrentiel mondial, mais aussi à une conviction ancrée chez beaucoup d’agriculteurs occidentaux, qui bénéficient de conditions climatiques favorables, d’une responsabilité de « nourrir le monde » et sa population croissante. Aujourd’hui, ce modèle est responsable en France de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, 96 % des cours d’eau français sont pollués par les pesticides (selon FNE) et le déclin de la biodiversité est l’objet d’alertes régulières.

Vivons sobres et heureux

Pour tenir l’objectif de l’accord de Paris (+2° C d’ici 2100 par rapport à la période pré-industrielle), il faudra diviser par deux la consommation d’énergie par personne d’ici 2050 selon l’ADEME. Autre agriculture, efficacité énergétique des bâtiments, transports « doux », nouvelles formes d’urbanisation, développement des énergies renouvelables : la crise exige une impulsion politique et des développements technologiques ; mais cela ne suffira pas. Elle exige également une conversion individuelle vers une plus grande sobriété, par exemple dans la nature et la fréquence de nos déplacements, notre consommation de viande, dont la production est particulièrement énergivore, le gaspillage alimentaire… En bref, un changement de mode de vie.

Préserver le monde… passionnément 

L’enjeu n’est pas seulement d’impulser des changements matériels, mais surtout de vivre une conversion spirituelle joyeuse pour réparer notre lien blessé au créé. Car « si nous nous sentons intiment liés à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément » (LS 11) explique le pape François qui parle, non pas d’une liste contraignante d’efforts, mais de la nécessité d’ « alimenter la passion de la préservation du monde ». L’intitulé de l’encyclique – « Loué sois-Tu ! » – nous invite à retrouver notre place de louange au milieu de la merveille du créé. « Les cieux racontent la gloire de Dieu, et l’étendue manifeste l’œuvre de ses mains. Le jour en instruit un autre jour et la nuit en donne connaissance à une autre nuit » chante le psalmiste (Ps 19) : la Création porte l’empreinte de la Parole de Dieu, elle m’enseigne car elle est un lieu de Révélation. L’homme est la créature rendue apte par Dieu à recueillir le logos divin présent dans le cosmos : apprenons à mieux discerner dans le grand ordre cosmique et les multiples lois régissant l’univers l’action de Dieu et son acte créateur toujours actuel.

AGRICULTURE, ÉNERGIE & RESSOURCES – ET MAINTENANT, ON FAIT QUOI ?

S’alimenter responsable 

  1. Avoir une meilleure connaissance des fruits et légumes de saison.
  2. Acheter « de saison », local, bio. Ex. : AMAP, La Ruche qui dit Oui.
  3. Se renseigner sur les filières rémunérant correctement les agriculteurs. Ex. : C’est qui le patron ?
  4. Manger moins – et mieux ! – de la bonne viande / privilégier les légumineuses.
  5. Ne plus s’autoriser de gaspillage alimentaire.
  6. Avoir des plantes sur son balcon ou participer à un potager partagé.

Limiter ses déchets – Recycler et réutiliser la matière 

  1. Se former – une bonne fois ! – au tri et recyclage de tous les déchets (y compris les appareils électroménagers et électroniques).
  2. Tenter une semaine « zéro déchet » pour prendre conscience de l’ampleur de nos déchets.
  3. Acheter autrement : en vrac ; en limitant l’achat de produits sur-emballés et d’éléments non recyclables ; en privilégiant les prêts, locations, occasions à l’achat de neuf (vêtements, meubles…).
  4. Faire un compost (lombricomposteur en appartement, ou compost d’immeuble si c’est possible).
  5. Faire le tri dans nos appareils électroménagers / électroniques et dans notre garde-robe, donner ce qui n’est pas utilisé.
  6. Prendre soin de la matière et des choses, les réparer si besoin. Ex. : Repair Café.
  7. Do It Yourself / Faire soi-même. Ex. : faire ses vêtements, sa lessive, ses produits de beauté

Économies d’énergie – Sobriété… heureuse !

  1. Installer des petits équipements pour économiser l’énergie : un économiseur d’eau sur les robinets, des thermostats réglables, des multiprises à interrupteur…
  2. Savoir couper le courant : éteindre le frigo pendant l’hiver et le wifi la nuit, débrancher les appareils en veille, couper l’eau et l’électricité pendant les vacances ou week-ends prolongés…
  3. Progresser dans les petits efforts du quotidien : passer à des douches courtes, éteindre la lumière en quittant une pièce, mettre un pull plutôt que d’augmenter le chauffage, trier ses données de stockage, supprimer les mails inutiles et newsletters multiples…
  4. Bouger moins et autrement : passer au vélo (!), faire du covoiturage aussi sur les trajets courts (ex. : boulot), prendre le train plutôt que la voiture, limiter les voyages en avion (ex. : une fois par an) pour aller davantage découvrir la France et l’Europe…, réfléchir avant de partir loin pour un temps court.
  5. Oser faire autrement : changer son fournisseur d’énergie pour un fournisseur en énergie renouvelable (ex. : Enercoop) ; utiliser un moteur de recherche social et solidaire (ex. : Ecosia ou Lilo).

 

Si vous souhaitez vous joindre au groupe de travail Laudato Si : gt.laudatosi@gmail.com

Le groupe de travail Laudato Si réunit au cours d’une vingtaine de rencontres une trentaine de jeunes professionnels catholiques et un prêtre de Paris avec l’objectif d’enclencher une conversion à l’écologie intégrale. L’année se divise en quatre thèmes : médecine & transhumanisme, agriculture & ressources, économie & finance, et lien social & vie dans la cité. Chacun des thème est abordé en suivant une méthode en quatre temps : (1) s’informer et se constituer des repères de réflexion (2) rencontrer au cours d’un week-end des personnes travaillant dans ce secteur (agriculteur, médecin…), pour certains déjà convertis à l’écologie intégrale (3) identifier les leviers spirituels à la conversion personnelle (4) prendre des « résolutions » concrètes.