Pour Le Monde, il n’y a aucun doute, dans la campagne des élections européennes, « l’écologie est un thème central ». « Notamment pour LREM », souligne Solenn de Royer, chef du service politique du journal du soir. Mais quelle écologie ? Les programmes épluchés révèlent bien une importance donnée à l’écologie dans le discours. Mais entre refus de remettre en cause une Union polluante parce que libre-échangiste avant d’être écologique et déclarations de principes inapplicables ou contradictoires, la paperasse électorale ressemble davantage à une opération générale de greenwashing qu’à une conversion radicale. Florilège.

NB : Forcément incomplet, cet article ne traite que des propositions d’écologie « environnementale » de certaines des listes principales. Or, nous savons bien que « tout est lié » ! Il n’implique pas de prise de position officielle de la rédaction.

LREM : Loiseau contre Macron et Vestager ?

L’Union Européenne a reconduit l’autorisation d‘utilisation du glyphosate jusqu’en 2022. Le programme de la liste menée par Nathalie Loiseau promet lui une interdiction en 2021. Pourtant, en janvier, Emmanuel Macron jugeait qu’une sortie aussi rapide n’était « pas faisable » et même que cela « tuerait notre agriculture ». « Et même en trois ans on ne fera pas 100%, on n’y arrivera, je pense, pas », ajoutait-il… Nathalie Loiseau veut donc tuer l’agriculture française ? Ou est-elle en désaccord avec la président de la République ? Un point qui mériterait d’être éclairci… Pas à une contradiction près, le programme de la liste Renaissance de Nathalie Loiseau dénonce aussi le rejet de la fusion Alstom-Siemens. Or ce rejet a été prononcé par la commissaire Marghrete Vestager, qui n’est autre que la meneuse de l’ALDE, groupe européen que va rejoindre LREM… Deux exemples qui illustrent bien qu’en matière d’écologie comme de politique industrielle, les déclarations de principe d’En Marche ne trouveront guère d’applications pratiques.

Les Républicains : pour une écologie pragmatique !

Pour sauver la planète, la liste menée par le philosophe versaillais François Xavier Bellamy a des idées. D’abord, des « droits de douane anti-pollution » qui serviront à augmenter le budget européen pour la recherche et l’innovation, et trouver, on imagine, la recette technique pour résoudre la crise climatique. En tout cas, le ralentissement n’est pas au programme, la « bioéconomie » serait même un « facteur de croissance » ! Des intentions dignes des plus ardents défenseurs d’un capitalisme vert, sourds face à l’évidence de l’incompatibilité entre notre modèle de développement capitaliste et les impératifs de préservation de l’environnement. Citons dans ce sens le chercheur Antonin Pottier qui démontre cette incompatibilité : « d’une part la mise en concurrence des producteurs génère constamment de nouvelles externalités, ce qui multiplie les probabilités de franchir une frontière écologique ; d’autre part, l’avènement de l’homo œconomicus, motivé par le gain, rend peu probable de consacrer des moyens économiques pour éviter les frontières écologiques au détriment de la croissance. » (Le capitalisme est-il compatible avec les limites écologiques?

PS – Place publique : un autre échec est possible

Raphaël Glucksmann, c’est encore l’ancienne ministre socialiste Delphine Batho qui en parle le mieux : « Place Publique ? Ils prétendaient faire du neuf mais ils sont sur une liste avec le Parti Socialiste qui soutient Europa City, le Center Parc de Roybon, le Lyon-Turin, le grand contournement Ouest de Strasbourg… J’ai pris la décision définitive de quitter le PS le jour où ce parti a refusé de signer mon amendement à l’Assemblée nationale pour l’interdiction du glyphosate. ». Delphine Batho figure sur la liste d’Urgence Écologie dont Jean-Pierre Raffin vous parlait récemment sur notre site.

Le Rassemblement National ou l’écologie en trompe l’œil

Finie l’époque où le RN ignorait l’écologie, et où Jean-Marie Le Pen comparait les écologistes à des pastèques : « verts à l’extérieur et rouges à l’intérieur ». Désormais, le RN parle d’écologie, avec un mot d’ordre : le localisme. A première vue, on pourrait se réjouir de la prise de conscience des dommages écologiques causés par un libre-échangisme débridé. Mais à y regarder de plus près, il semble que le RN se serve de l’argument écologique pour revenir à ses obsessions identitaires. En effet, la brièveté du programme écologique et le manque de propositions concrètes masquent mal la raison pour laquelle le « localisme » est promu : la défense des frontières. Jordan Bardella clame ainsi qu’on « ne fera pas d’écologie sans frontières », avec au passage une contradiction entre le programme du RN qui prône des « protections douanières aux frontières de l’Europe » et la défense des « frontières nationales » sans cesse rappelée par Marine Le Pen.

À part ça, une critique virulente et univoque des éoliennes, sujet complexe qui exige bien des nuances, présentées comme un « drame pour l’environnement », aucune référence à l’importance de préserver la biodiversité à travers la planète, et pas un mot pour rappeler que l’écologie est d’abord la défense de la « maison commune » de l’humanité, comme le rappelle le pape François dans son encyclique. Pas de doute, le RN défend bien la France avant la Terre. Rien de surprenant.

Les Verts, libéraux-compatibles ?

Ces élections sont l’occasion pour EELV de se relever, après avoir disparu des radars lors de la présidentielle de 2017. Mais le parti traîne comme un boulet les défections de ses cadres ayant rejoint…En Marche !  On ne compte plus les anciens membres d’EELV ayant décidé de rejoindre ou de soutenir le parti présidentiel. Ce fut d’abord Nicolas Hulot qui partit, puis Daniel Cohn-Bendit qui appela à voter Macron en 2017, avant de récidiver pour les européennes. Récemment, Pascal Canfin est devenu numéro deux de la liste Renaissance et l’eurodéputé EELV Pascal Durand lui a apporté son soutien. Cela est-il un indicateur de la compatibilité entre EELV et « l’écologie libérale » ? Est-ce un hasard si le MEDEF a jugé Yannick Jadot comme le candidat « le plus convaincant » lors du Grand Oral organisé par le syndicat patronal le 25 avril dernier ? Et si elle a jugé que le candidat « n’était pas dans l’écologie punitive », ayant su parler du « rôle des entreprises » ? Au Figaro début mars, Jadot avait assuré être « pour l’économie de marché, pour la libre entreprise et l’innovation ». De quoi plaire, effectivement, aux grands patrons.

Quel que soit votre choix dimanche, n’oubliez pas que l’écologie est la mère de toutes les batailles. Sans équilibre écosystémique, il n’y a ni paix, ni identités, ni familles, ni prospérité. Si nous la perdons, nous aurons tout perdu.

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