Avec Limite cet été, prenez « le temps de vivre » ! C’est d’ailleurs le titre de notre nouveau numéro. Vous pouvez vous le procurez en ligne ou chez votre librairie.

« Festina lente ! Hâte-toi lentement ! » On connaît l’adage dont l’empereur Auguste fit sa devise. Depuis, c’est devenu une marque d’horlogerie hors de prix. Le sens de l’histoire sans doute, qui n’en finit pas de courir contre la montre. Course au profit, au pouvoir, au progrès : « la vitesse est devenue notre milieu » (Paul Virilio), la performance notre seul horizon. Nous dévalons la pente, tout schuss, ivres de voler dans le vent, et de glisser sans frein. Sauf que se précipiter, ce n’est pas seulement accélérer démesurément, plus qu’il ne faudrait. C’est d’abord, littéralement, foncer tête baissée, se jeter la tête la première : tomber, chuter – au fond du précipice, justement.

Notre agitation contemporaine est bien loin du mouvement tranquille prôné par Auguste. La devise des gesticulateurs qui nous gouvernent serait plutôt « Traîne-toi plus vite ! ». Les oligarques passent, mais le système qu’ils dirigent n’en finit pas de mourir. On saute de meeting en meeting, d’avion en avion, de discours fracassants en tweets lapidaires, mais au fond rien ne change. Les bulldozers menacent encore les prairies pâturées de Notre-Dame des Landes, la centrale nucléaire de Fessenheim n’est toujours pas fermée, et le PIB reste aux commandes.

Hâtons-nous de changer lentement pour ne pas rapidement sombrer. Hâtons-nous de nous enraciner en profondeur pour ne pas nous noyer en surface. Hâtons-nous de retrouver le temps pour ne pas le dilapider. Avec vous, Limite continuera à tracer sa route, pas à pas, pour incarner, à temps et à contre-temps, une conversion écologique faite de prudence et de radicalité, d’espérance et de lucidité.

Nous savons tous, nous sentons bien, que notre modèle de développement n’est pas viable, que le chaos nous guette, mais nous préférons l’aveuglement à l’alternative. Notre fuite en avant se mord la queue. Nous tournons sur nous-mêmes, frénétiquement, pour nous donner des frissons d’action révolutionnaire, mais rien de profond, ni de durable, n’advient. Nous sommes moins en marche qu’en transe, errant comme des derviches sans foi ni loi. Ou des canards sans tête.

Rien de bien nouveau sous le soleil, d’ailleurs, chez notre nouveau pharaon : devant la pyramide du Louvre, quarante ans de marketing nous contemplaient, et l’on ne renouait avec une partie de l’histoire de France que pour mieux gouverner par ordonnances. Dans un « souci de rapidité », bien sûr. Efficacité, fluidité, flexibilité, et que ça saute ! Qu’importe les dommages collatéraux, sociaux, démocratiques, tant qu’on reste en marche – et sur le marché. Le temps des échanges, où les capitaux circulent à toute vitesse sur les écrans des traders, est bien éloigné du temps de l’usage, où s’abîment les objets, la nature et les hommes. Entre l’immobilisme et la fébrilité, les flux-tendus et l’inertie, il nous revient, dès lors, de trouver un juste milieu : une croissance organique, comme une montée de sève permanente. Ici et maintenant.

Hâtons-nous de changer lentement pour ne pas rapidement sombrer. Hâtons-nous de nous enraciner en profondeur pour ne pas nous noyer en surface. Hâtons-nous de retrouver le temps pour ne pas le dilapider. Avec vous, Limite continuera à tracer sa route, pas à pas, pour incarner, à temps et à contre-temps, une conversion écologique faite de prudence et de radicalité, d’espérance et de lucidité. Soyons patients, ménageons notre monture : notre aventure est au long cours. Pour ne céder ni à l’abattement ni au cynisme, gardons en mémoire le conseil de Boileau : « Hâtez-vous lentement et sans perdre courage / Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ! ». Forts de cette leçon, nous nous attelons dès à présent au prochain numéro, pour une rentrée pleine de surprises. D’ici là, bon été et prenez le temps de vivre !

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