Huitième numéro, troisième année… Où en sommes-nous ? Où en sont les idées que nous portons ? Les combats que nous menons ? Avons-nous réussi à faire avancer la cause de l’écologie intégrale, qui est la seule raison d’exister de cette revue ? A regarder l’état du monde, ou de notre pays, un sentiment d’impuissance, quelque peu désespérant, nous étreint. Et pourtant, nous sommes là, encore, plus résolus que jamais. Pourquoi ?

Parce que vous êtes là. Parce que vous êtes là, fidèles, variés, enthousiastes, et de plus en plus nombreux. Pas aussi nombreux, certes, que les lecteurs de tel ou tel magazine à scandale, où s’étalent, entre deux pages de pub, les visages photoshopés des dernières starlettes, électorales ou médiatiques. Pas aussi nombreux, peut-être, mais tellement plus sérieux – et tellement plus heureux. C’est ce qu’on se dit, en tous cas, à chaque fois que l’un de nous croise l’un de vous, ici ou là, et que se tissent ces liens qui peu à peu font de cette revue, non pas seulement un courant, une mode, une nébuleuse, mais un élan, profond et convivial : une communauté.

Vous nous le dites et nous le répétez : Limite, pour vous, ce n’est pas qu’une source de réflexions, c’est un tremplin vers l’action. C’est ce que vous nous dites lorsque nous nous rencontrons dans des festivals ou des conférences. Ou quand vous nous écrivez pour témoigner de vos changements de vie, de vos découvertes, de vos idées d’articles. Et telle est bien, de fait, notre ambition : que les causes que nous portons – la décroissance, la frugalité, l’interdépendance… – deviennent un art de vivre, que ces bonnes intentions se transforment en bonnes pratiques, que ce qui apparaît aujourd’hui, à tort ou à raison, réservé à une marge, sinon à une élite, se banalise. Bref, que ces idées s’incarnent et se démocratisent.

Bien sûr, l’écologie intégrale ne gagnera jamais les élections. Mais il nous appartient qu’elle gagne, de proche en proche, les esprits et les corps. Non pas pour prendre le pouvoir, mais pour le rendre : le rendre à ceux qui ne sont rien parce qu’un système inique les aliène et les exclut. Le rendre à ceux qui ont fini par gober le bobard du siècle, l’indémodable fake news thatcherienne : qu’il n’y aurait pas d’alternative au technocapitalisme. Le rendre à tous ceux que la fatalisme écrase et décourage…

La conversion écologique n’est pas un luxe, c’est un devoir. Il ne s’agit pas se donner bonne conscience en consommant moins, ou mieux, mais de combattre pied à pied tout ce qui détruit la nature et défigure notre humanité commune. Et s’il faut, pour conserver nos conditions d’existence, et ce qui nous est essentiel, « renverser la table où les dés sont pipés », comme le disait en son temps Bernanos, alors nous le devons. Nos enfants ont le droit de recevoir de nous autre chose qu’une Terre dévastée. Mais pour qu’advienne durablement ce nouvel équilibre, sinon parfait, du moins décent, que nous appelons de nos vœux, il nous faut un nouvel imaginaire.

Et c’est à quoi Limite s’emploie : à travers nos reportages et nos chroniques, bien sûr, mais aussi à travers les livres que nous éditons, les projets que nous soutenons (le Simone, le Dorothy…) et les événements que nous animons : les mardis de Limite, chaque mois à Paris, les chantiers, dont le premier, organisé fin août en Eure-et-Loir et consacré à la permaculture, a été un franc succès, et l’été prochain, si Dieu veut, les premières assises de l’écologie intégrale.

Mais pour tout cela, nous avons besoin de vous. Car les femmes et les hommes qui font Limite sont faillibles et… limités. Car ils savent et devinent tout ce que vous pouvez leur apporter.

Car nous ne ferons rien sans vous.