Le 18 octobre prochain démarre à Lyon un cycle de cinq conférences intitulé « La réception de l’encyclique Laudato Si’ dans la militance écologique ». Le cycle est organisé par la Chaire Jean Bastaire dont nous interrogeons le fondateur et responsable, Fabien Revol, philosophe et théologien, auteur en 2015 du Temps de la Création.
Pouvez-vous nous présenter la chaire Jean Bastaire ?
Il s’agit d’un organisme de recherche et de formation rattaché au Centre interdisciplinaire d’éthique de l’Université catholique de Lyon. A partir de la recherche en théologie de la Création, nous contribuons à la définition d’une éthique de l’écologie. L’objectif consiste à susciter chez chacun d’entre nous les bonnes raisons de s’engager en écologie. Nous nous attachons en effet à montrer que la sauvegarde de la Création est inscrite dans la foi et en découle.
La chaire a été créée en janvier 2015 soit quelques mois avant la publication de l’encyclique Laudato Si’. Le thème de l’encyclique était connu depuis un an et nous cherchions à nous inscrire dans cette réflexion de l’Eglise. Dès l’origine, nous avons revendiqué la référence à « l’écologie intégrale », terme cohérent avec le message de l’Eglise, mais qui n’était pas exprimé comme tel. Le fait que le Pape François intègre l’expression « écologie intégrale » dans l’encyclique n’a pas constitué une surprise en soi, mais plutôt une véritable reconnaissance.
Le cycle de conférence que vous préparez s’intitule « La réception de l’encyclique Laudato Si dans la militance écologique ». Quelle a été sa réception dans ces milieux ?
Laudato Si’ a créé une surprise considérable. Corinne Morel-Darleux, Secrétaire nationale du Parti de Gauche et quatrième invitée de notre cycle de conférences (le 22 novembre) parle de « séisme dans les milieux écologistes anticapitalistes et laïques ». Dans ces sphères, l’écologie semblait incompatible avec le christianisme. On croyait à deux modes de pensée opposés. On a alors assisté à une véritable bouleversement des a priori et des catégories préconçues.
Désormais, les militants écologistes perçoivent l’Eglise comme une alliée, et non plus une ennemie. Alain Lipietz, ex-député Europe-Ecologie-les-Verts et deuxième invité du cycle (le 8 novembre) affirme ainsi que l’encyclique va droit au cœur de chacun, croyant ou non. Elle s’adresse à ce que peut être la foi d’un agnostique. Celui-ci voit ses convictions rejointes par le message de l’Eglise. Laudato Si’ comporte certes en premier lieu une dimension religieuse et théologique – c’est la nature même d’une encyclique et à ce titre, Laudato Si’ s’avère d’une richesse exceptionnelle – mais elle parle un langage accessible à tous.
Cette surprise révèle également à mes yeux l’absence d’une pensée organique dans les milieux écologistes. L’encyclique comble ce manque quant au thème de l’écologie intégrale qui s’appuie sur le message central de l’écologie scientifique : « tout est lié »
Vous le dites, le thème de l’encyclique a créé une véritable surprise. Sa réception dans la militance écologique, parfois marqués par son anticléricalisme, a-t-elle suscité un certain scepticisme ?
Au contraire, elle a suscité un enthousiasme généralisé. Les milieux écologistes ont dit unanimement : « Enfin, le pape diffuse nos idées ! ». Hormis quelques réactions critiques très isolées, Laudato Si’ a rencontré un accueil très favorable à la fois chez les écologistes mais aussi du côté des populations et des gouvernements. En 2015 et 2016, le texte occupe la 9ème place des ventes au niveau mondial.
Concernant les gouvernements, il ne faut pas sous-estimer la parole de l’Eglise. Beaucoup de dirigeants sont croyants, de telle ou telle religion, et sont particulièrement attentifs à la parole du Vatican. On ne peut nier le lien entre le succès de la COP 21 – qui a débouché sur la ratification de l’Accord de Paris sur le climat – et l’écho mondial de Laudato Si’ publiée quelques mois auparavant.
A titre d’anecdote sur l’influence considérable de Laudato Si’, une amie m’a rapporté qu’il avait vu l’expression « tout est lié » – leitmotiv de l’encyclique – sur un document officiel de la DDT (Direction Départementale des Territoires, entité présente au sein de chaque préfecture NDLR). Même les documents les plus administratifs sont influencés par le message de l’Eglise !
Le 15 novembre, la quatrième conférence du cycle donne la parole à Mohammed Taleb, philosophe musulman. Quelle a été la réaction des musulmans par rapport à l’encyclique ? Ce thème de l’écologie peut-elle constituer un moyen du dialogue interreligieux ?
Dans le monde musulman, il semblerait que l’encyclique ait reçu un accueil favorable. A ma connaissance, il n’y a pas eu de critiques négatives. Je pense notamment à un site internet au Royaume-Uni qui saluait l’encyclique mais j’ignore sa représentativité.
D’après Bruno Guiderdoni (Vice-président de l’Institut Français du Culte Musulman et Directeur de recherche au CNRS), qui dirige un module de formation des imams à Lyon, l’islam est très sensible au message de Laudato Si’. Il s’agit en effet d’un message qui parle à l’intelligence humaine ; quelles que soient ses croyances, on peut être rejoint par ce texte.
Infos pratiques : vous pouvez vous inscrire au cycle de conférence en téléchargeant ce document ici. Contact : cie@univ-catholyon.fr
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Anciennement militante du Parti de Gauche et zadiste, je suis sur un chemin de conversion après avoir lu Laudato Si, qui lui-même m’a menée vers les Evangiles ; c’est dire si la voix du Pape François et celle des catholiques de l’écologie intégrale sont efficaces !! 🙂 En juin 2017 je recevrai avec mon mari – qui m’a rejointe entre temps – la Confirmation, et notre fille désire se faire baptiser Je rends grâces au Seigneur, et je remercie la Revue Limite au passage.
Merci de votre témoignage ! Belle route à vous,
Paroles intéressantes mais à nuancer :
– certains milieux écologistes sont encore totalement hostiles au message de l’Eglise. Des raisons idéologiques et philosophiques fortes sont à la source de ces divergences : glorification de l’individu (« hippies écolos »), déification de la nature (jusqu’à parfois penser que l’homme est un parasite, ou que le monde sans l’homme est bon par nature), volonté permanente de faire table rase (peut-être par haine du monde tel qu’il est, ce qui est exactement l’inverse de l’écologie intégrale), ou encore le mythe de l’homme bon. On peut saluer le dialogue, mais sans être naïf sur les divergences (d’autant que, dans certains cas, les tentatives de dialogue se terminent en rouées de coups).
– la COP21 est une farce, autant dans son organisation (aucune vraie association écologique de terrain ne participe aux discussions, la plupart des militants ont d’ailleurs été dispersés par les forces de l’ordre), que dans ses résultats (le fameux accord « historique », totalement abstrait et parfaitement inapplicable, qui ne donne aucune contrainte concrète pour parvenir à un objectif pourtant bien réel, mais dont les scientifiques avaient déjà la certitude qu’il ne pouvait être atteint tant il était ambitieux). Aucune véritable négociation n’a eu lieu, entre des intérêts vraiment divergents : les dirigeants, seuls participants aux discussions réels (pas les discours d’apparat) sont censés à eux seuls représenter à la fois les intérêts économiques (schématiquement des « pollueurs », multinationales etc.) et les victimes (climatiques, mais aussi victimes du marché dans leur mode de vie, les travailleurs précaires…). Comment peuvent-ils à eux seuls représenter ces multiples intérêts croisés et contradictoires ? En négociant face à eux-mêmes ?
On peut saluer le dialogue, les convergences, les volontés de mise en commun mais il me paraît tout aussi important de ne pas être naïf.
Je suis d’accord avec vous Max, ne pas être naïf est important, mais je pense que ce qui réunira le mieux les écologistes de tous horizons sera précisément le refus de nous sentir des victimes de ce fameux mode de vie dont vous parlez.
Si chacun de notre côté nous montrons une cohérence dans notre façon de vivre au quotidien, des passerelles se crééront d’elles-mêmes. Ainsi même si les « hippies écolos » restent méfiants envers ces casse-pieds de cathos et inversement, le fait de nous frôler dans nos lieux de vie selon les principes de la sobriété (AMAP, marchés locaux, recupération, auto-construction, potagers et jardins partagés…) pourra conduire au moins à un certain respect et à une envie de se parler davantage.
Cette fameuse déification de la nature et la haine ressentie parfois pour l’espèce humaine, je les connais bien pour les avoir vécues moi-même avant de devenir catholique, mais ces sentiments recouvrent malhabilement une soif de transcendance ; les écolos classiques en ont marre d’être horizontaux je pense, ils cherchent ce qui va leur donner un souffle qui va durer longtemps : à nous cathos de leur montrer combien nous sommes endurants, heureux de simplicité, exigeants et amoureux de la vie.