« Grand pingouin, tu es mort, poussière de morts. Pourquoi te regretter, éprouver ce sentiment d’une perte ? Parce que tu apportais ta beauté au monde. Parce que tu étais une des multiples expressions de la beauté naturelle du monde. » (Jean-Luc Porquet, Lettre au dernier grand pingouin, éditions Verticales, 2016).

Un seul être vous manque et tout est dépeuplé

Vous n’en avez jamais vu, vous n’en verrez jamais : le dernier couple de grands pingouins, ce dodo méconnu, a été tué, le dernier œuf piétiné, il y a plus de 150 ans, le 3 juin 1844, par des pêcheurs islandais. Tué non par nécessité vitale, mais par jeu, par vénalité, pour agrémenter la collection de quelque passionné fortuné. Chassé depuis des siècles pour sa chair, ses œufs et son duvet, cet étrange oiseau, incapable de voler, mais excellent nageur, survivait jusqu’alors péniblement. Mais il était de trop, apparemment, à l’ère de la machine à vapeur, archaïque même, avec ses petites ailes et son bec crochu. Il est mort. Nous en sommes à jamais orphelins.

Qu’on le veuille ou non, nous sommes bien face à un effondrement : la sixième extinction de masse a commencé, et notre frénésie productiviste en est la cause. « Si l’homme continue sur sa lancée, la moitié des espèces de plantes et d’animaux sur Terre pourraient avoir disparu, ou être en voie de l’être, d’ici à la fin de ce siècle. Et rien qu’avec le dérèglement climatique en cours, un bon quart d’entre elles le seront dans les cinq prochaines décennies », résume Jean-Luc Porquet. Cet effondrement, s’il est une menace pour nos propres conditions d’existence, pour notre survie, est d’abord, tout simplement, un triste appauvrissement. Chaque disparition d’espèce rend le monde un peu plus vide, un peu moins beau.

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