A 21 ans, Mélanie, atteinte du syndrome de Down (trisomie 21), va accomplir le rêve de sa vie : être Miss Météo, l’espace d’un jour. Enflammant les médias et les réseaux sociaux, elle a clamé au monde que son anomalie n’affectait en rien la puissance de ses rêves. Une belle histoire, qui donne un écho particulier à l’eugénisme ambiant.

« Les gens comme moi sont dos au mur »

96% : c’est le taux de bébés trisomiques avortés avant leur naissance, pour cause de leur handicap. Ce chiffre alarmant est sans équivoque : dans quelques années, si la tendance reste la même, les trisomiques disparaîtront de la société. Ce constat, Lord Shinkwin en a fait son combat au Palais de Westminster. Lui-même atteint d’ostéogenèse imparfaite, ce pair du Royaume-Uni veut mettre un terme à l’éradication systématique des embryons atteints de handicap. En février 2017, il prenait la parole devant les sénateurs pour un projet de loi visant à revenir sur ce qu’il considère une profonde inégalité : le droit, lorsque le bébé se révèle être atteint d’un lourd handicap, d’avorter jusqu’à la veille de la naissance, quand  la limite pour tout autre avortement est de 24 semaines. Cette discrimination, pour Lord Shinkwin, n’est ni logique ni acceptable.

« Je m’adresse à tous les autres Lords en tant que mes égaux », clame-t-il. « Les gens comme moi sont en voie d’extinction. Si nous étions des animaux, peut-être aurions-nous droit à une protection en tant qu’espèce menacée. Mais nous ne sommes que des êtres humains porteurs de handicap, alors cela nous est refusé ». Comment en est-on arrivé là ? Ces personnes aux chromosomes surnuméraires seraient-elles considérées trop dissemblables pour être acceptables dans notre société ?

« Dans quelle genre de société voulons-nous vivre, et qui voulons-nous y admettre ? »

Pourquoi veut-on aujourd’hui d’un monde sans trisomie ? Pour l’actrice Sally Philips, ce serait comme un jardin sans fleurs. Son fils Olly, atteint du syndrome de Down, est son bonheur quotidien et elle veut que le monde le sache. « Si nous avons une société qui n’est pas capable de prendre soin des faibles, le problème ne se trouve pas chez ceux-ci », affirme-t-elle.

Actrice, cinéaste, épouse et mère de trois garçons, la radieuse maman a tout pour être heureuse. Le sourire rayonnant de la star, connue notamment pour ses rôles dans Le journal de Bridget Jones et Miranda, ne trompe pas. Ce bonheur, elle en raconte volontiers l’histoire, qui débute il y a 11 ans. Sally et son mari Andrew accueillent alors avec joie leur premier-né, le petit Olly. Après quelques jours cependant, la jeune maman soupçonne une anomalie. Elle retourne à la clinique ; le test révèle alors chez le bébé la pathologie du syndrome de Down.

Or, depuis ce jour, la vie de famille chez les Philips a été un grand bonheur. Ni plus ni moins que si son enfant eût été « normal ». Aujourd’hui, l’actrice ne voit aucune ressemblance entre ces onze années déjà écoulées et la « tragédie » que les médecins lui avaient annoncée à la naissance. « On m’avait dit qu’il ne pourrait faire du vélo, courir, grimper… et bien, il va à l’école tous les jours à bicyclette, et saute par-dessus le mur du jardin pour rejoindre ses amis ! ».

Dans un documentaire diffusé par la BBC en octobre dernier, intitulé « A world without Down’s Syndrome ? », Sally cherche à comprendre le processus d’eugénisme enclenché par la société actuelle. Tout au long de son investigation, elle découvre avec effarement une vision fortement pessimiste de la trisomie 21, entretenue par le système médical pour qui cette anomalie est promesse de malheur. La jeune maman ne comprend pas et s’interroge : pourquoi la trisomie fait-elle si peur ? Pourquoi les docteurs présentent-ils cette pathologie comme un drame ? Pourquoi, enfin, est-elle la cible d’un véritable acharnement légal via le droit à l’avortement?

Le 21e chromosome, une différence de trop ?

La question à laquelle restent confrontés les parents, à la détection de trisomie sur l’embryon, est de savoir quelle sorte d’existence vivra leur enfant. Une vie avec un handicap, cela en vaut-il la peine ?

Revenons-en donc à Mélanie, qui a embrasé la sphère médiatique ces derniers jours. La jeune fille, par son audace et sa détermination, répond d’elle-même. Le trisomique n’a-t-il pas des joies, des peines? Le trisomique n’a-t-il pas des rêves, comme tout le monde ?

Poussée par sa détermination et soutenue par une association solidaire, elle met à contribution les internautes pour réaliser son rêve le plus fou. « J’ai besoin de 100 000 likes pour réaliser mon rêve »,  explique-t-elle tout sourire dans son teaser.  Il n’en faut pas davantage : au bout de quelques jours, elle en obtient le double.

Qu’une jeune fille atteinte de trisomie soit capable de participer, autant qu’un autre, à la vie de la société et d’y avoir son rôle, BFM TV et France Télévisions l’ont compris : ils n’ont pas tardé à céder à l’audacieuse demande. Et la nouvelle tombe : Mélanie présentera la météo sur France 2 le 14 mars.

L’Unapei, l’association ayant aidé et accompagné Mélanie, se réjouit de leur succès, et en tire deux conclusions : oui, les personnes trisomiques sont capables de beaucoup de choses lorsqu’elles sont accompagnées ; et oui, le soutien enthousiasmé de tous les internautes prouve que la société d’aujourd’hui est ouverte, et prête à accueillir les plus faibles. Et Mélanie, Miss Météo en herbe, semble prédire pour les siens un rayon de soleil derrière les nuages.

Elisabeth Pierson
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